Je serai à la marche. Parce que je ne peux pas ne pas y être. Parce que je suis émue. Parce que je partage ce moment d'émotion généralisée. Parce que je défends profondément la liberté d'expression, la liberté d'opinion, la liberté de pensée, la liberté de religion.
Parce que JE SUIS CHARLIE, je vous l'ai dit et redit.
Mais je m'interroge. Je tente de penser l'événement, de réfléchir dans le calme...
Les slogans fleurissent, autour de ce JE SUIS CHARLIE né du tweet émotionnel et repris dans l'émotion.
JE NE SUIS PAS CHARLIE
Nombreux sont ceux qui, déplorant ou excusant, ne se retrouvent pas dans cette reprise du slogan: Certains ne s'associent pas au journal, dont ils critiquent les publications, et c'est leur droit, mais n'approuvent pas pour autant le massacre des journalistes. Souvent ils disent:
JE SUIS MOHAMED
ce policier musulman qui fut exécuté froidement, devenu symbole de cet islam intégré auquel adhèrent tant de musulmans de notre pays. Certains de ces derniers appellent à manifester avec un slogan
NOT IN MY NAME
opposant une religion de paix et d'humanisme à un extrêmisme fanatique trahissant leur religion en se revendiquant d'elle.
Il y a aussi le JE NE SUIS PAS CHARLIE de Le Pen, qui attise le racisme et la haine de l'autre (celui qui caricature aussi bien que ceux qui font partie d'une communauté qu'ils voudraient bien voir quitter la France).
Le JE NE SUIS PAS CHARLIE des mômes de banlieue qui feront des trois assassins des martyrs, voyant en eux les soldats de leur haine, cette haine née de l'illettrisme, de la misère, de la relégation, de la délinquance, de l'islamophobie, de l'inculture (la liste est longue) et aussi, ne nous leurrons pas, parfois de leur francophobie et de leur communautarisme exacerbé. Eux parfois écrivent
JE SUIS PALESTINIEN,
opposant les milliers de morts de ce pays aux massacrés de Charlie hebdo, comme s'ils légitimaient ce crime par l'occupation d'un pays qu'ils assimilent à un martyr. Alors que Charlie hebdo, ironie!, était plutôt de conviction gauchiset (laquelle est plutôt pro-palestinienne!)
Il y a aussi le
JE NE SUIS PAS CHARLIE
de ceux qui croient à la théorie du complot ou de la récupération - de "ça justifie la policiérisation et la mise sous contrôle", à "c'est un coup monté, c'est les Juifs qui ont fomenté ça" (je vous jure, je l'ai lu).
Et, en riposte, le
JE SUIS JUIF
de ceux qui voient légitimement l'anti-sémitisme à l'oeuvre dans la tuerie su supermarché casher et qu'Israël se dit prêt à accueillir (pour coloniser de nouvelles terres?), et qui parfois prêtent cet anti-sémtisme à l'ensemble des Français ("pourquoi n'y a-t-il pas eu de marche semblable quand on a tué des enfants juifs?" - je vous jure, je l'ai lu).
Il y a aussi le JE SUIS CHARLIE des hypocrites qui font feu de tout bois,
le JE NE SUIS PAS CHARLIE (ce n'est pas dit, donce je barre) de ceux qui furent Charlie (Cyran) mais qui accusent le journal de n'avoir pas été toujours clair et d'avoir joué avec le feu,
le JE SUIS CHARLIE de ceux qui étaient vraiment Charlie (Luz...) qui seront de la marche mais se demandent s'ils peuvent être ce Charlie devenu symbole de la liberté, alors que le journal s'attaquait à tous les symboles sacrés ou sacralisés, et ne savent pas s'ils seront Charlie encore.
De quoi y perdre son latin...
Finalement, moi, petite blogueuse de rien du tout, j'irai à la marche parce que je suis contre la barbarie, parce que je suis pour la liberté une et indivisible, parce que je suis contre la mort donnée (et contre la mort en général!), contre l'intolérance, contre le racisme...
Et ces raisons me suffisent.