Artisanactivistes
Publié le 13 Mars 2023
Je viens de mettre un mot sur ce que je suis - sur ce que beaucoup d'entre nous sont :
des artisanactivistes !!!
Voici des extraits d'un passionnant article du Télérama de cette semaine qui parle des liens entre pratique d'un artisanat ancestral et réservé aux femmes et convictions féministes, et dans lequel je me suis retrouvée avec plaisir :
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Tout comme la broderie, le crochet, et même la couture, le tricot bénéficie depuis une bonne décennie du retour du do it yourself (faites-le vous-même). Encore dopé par les confinements, il séduit des générations attirées par ce geste créatif qui permet à la fois de perpétuer et de réinventer un savoir-faire artisanal, de résister à la mode jetable et standardisée, de s’inscrire, souvent, dans une démarche écologique. Parfois aussi féministe.
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[...] Des liens se tissent entre cette pratique renouvelée et les luttes pour les droits des femmes : « Le tricot est à la mode et il se greffe au combat militant, dans un retournement de stigmate, poursuit Mathilde Larrère. Les féministes se saisissent d’un outil d’assignation des femmes, pour le transformer en instrument de valorisation, doté d’une nouvelle charge émancipatrice et aussi, souvent, écologique et anticapitaliste, qui correspond au féminisme d’aujourd’hui. »
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Les féministes françaises n’ont pas toujours vu aiguilles et pelotes d’un bon œil. « Nous n’avons pas la tradition américaine de politisation des arts domestiques, observe l’éditrice Isabelle Cambourakis (fondatrice de la collection féministe Sorcières), autrice d’un mémoire en 2007 sur la socio-histoire des travaux d’aiguille. Les féministes des années 1970, qui ont eu à cœur la libération de tout travail fait à la maison, ont peu considéré les arts du fil comme enjeu de récupération militante. Sauf quelques artistes. »
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Le tout est stimulé par les réseaux sociaux : la quatrième vague féministe a la maille résolument militante.
« Les tricoteuses connectées revendiquent une forte technicité, tricotent souvent pour elles-mêmes, mettent en scène leurs créations sur Instagram, énumère Vinciane Zabban, sociologue des loisirs et de la culture. Évidemment, dans les salons du fil, certaines femmes plus âgées sont un peu perdues… » Mais aussi, souvent, ravies de voir leur artisanat plus vivant que jamais.
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Ma rencontre avec le féminisme remonte à mes 17 ans (au siècle dernier donc !)
J'ai vécu Mai 68 avec allégresse, j'ai adhéré au mouvement VLR, j'ai milité au MLF, dès les toutes premières réunions aux Beaux-Arts, j'ai milité au MLAC, été abonnée à la revue "Le torchon brûle", lu les livres des Editions des Femmes et "Notre corps, nous-mêmes" trône encore sur les étagères (de nos toilettes) !
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J'ai refusé d'apprendre la couture, que pratiquaient ma mère et ma grand-mère, le tricot, que pratiquait ma mère, le crochet que pratiquait mon autre grand-mère, la broderie que pratiquait... mon grand-père ! Pour moi, ces activités assignées aux femmes étaient à proscrire.
Jusqu'à la parution d'une revue, 100 Idées, qui dépoussiérait ces activités créatives et me donna envie de me lancer. Et je me suis alors aperçue que J'AIMAIS coudre, tricoter, broder, créer, fabriquer !
Je suis devenue féministe ET centidéaliste, et cela ne me semblait pas contradictoire, même si le regard porté par les autres sur mes activités créatives ne changeait pas beaucoup !
Aujourd'hui, qu'en est-il pour miclasouris, dont le blog porte en exergue "féminisme et arts du fil" et parle si peu de féminisme et tant de tricot...
Tiens, et si je l'écrivais sous forme de charte ?
Ma charte d'artisanactiviste :
J'aime produire de mes mains. Cela me rend heureuse. Et fière :
- Je suis fière de ce que produisent mes mains.
- Je suis fière de défendre mon "artisanat" en montrant mes réalisations.
- Je suis fière de mes compétences - qu'elles aient été héritées, conquises, transmises, voire même assignées.
- Je suis fière de transmettre mes compétences et mes savoirs, de faire partie d'une chaîne sororale et transgénérationnelle.
- Je suis fière de tricoter, crocheter ou broder en public, en souhaitant que cela suscite des désirs d'apprendre chez d'autres.
- Je suis fière de ne pas participer à la fast-fashion, de refuser, autant que faire se peut, les diktats de la mode imposée, de progresser vers la production la plus écologique possible.
- Je suis fière d'appartenir à une communauté moderne, créative, connectée, qui a des valeurs de partage, d'échange et de liberté.